Témoignages de lecteurs
Pierrette, des vignes aux tranchées
« Je viens d’achever les dernières pages de votre ouvrage et cette lecture m’a vraiment touchée. Ce qui a retenu mon attention, c’est la manière dont le personnage de Pierrette nous entraine dans la tourmente de cette époque. Traversée par les évènements qui bouleversent sa vie comme celles de milliers d’autres, elle réagit et nous entraine avec elle. Par son activité, elle nous retrace les conditions sociales. Par ses cheminements nous découvrons le terroir que l’on appelle les « Pierres dorées » et l’enracinement des paysans à leur vigne, leur bétail. Nous vivons sur ses traces au rythme de ses pas, à l’allure de sa carriole, dans l’attente des correspondances. Par ses relations avec les autres femmes, par ses liens familiaux, sociaux, nous entendons comment le souffle de cette guerre traverse son canton, comment elle dévaste un équilibre social et rend précaire la condition de certains de ses habitants.
Pierrette m’apparaît comme un prisme par lequel nous entrons en résonnance avec les échos de cette époque. Attachante, admirable aussi et nous cheminons avec elle au fil des pages et nous cherchons à la comprendre : quelle est la force qui l’anime pour traverser toutes ses épreuves… Où s’enracine sa foi en la vie pour affronter l’inhumanité de cette guerre et les drames du quotidien ?
Petite dame dans la vie, discrète, mais grande au travers de sa présence, de son écoute et des liens qu’elle sait maintenir au fil de ses rencontres…
J’ai bien ressenti l’épine dorsale du livre. Elle se situe autour des courriers échangés, lettres simples, bouleversantes évoquant l’environnement comme un berceau. J’ai eu envie de retrouver ces lieux, chemins, rues, maisons sur place pour retrouver le regard de Pierrette et son époque. Comment ne pas penser à retravailler ce texte qui serait un excellent scénario pour un film ? La lecture de passages de lettres représenterait des ponctuations.
Car ce sont ses correspondances qui sont à l’origine de votre ouvrage, qui tissent les relations des villageois, les transforment. La vie des habitants se suspend autour de la réception de ces missives, les nouvelles s’échangent, se recoupent. Messagères dans la vie sociale, les femmes se rencontrent, se relisent ces lignes écrites de la main de leur proches au combat. Gommant ainsi la distance, elles les portent sur elles. Elles émettent des hypothèses quant aux risques encourus. Elles parviennent ainsi à retrouver la trame des combats, et éventuellement la position de « leur » combattant : sera-t-il en première ligne aujourd’hui ? Elles partagent leurs joies, s’angoissent ensemble, et pleurent leurs morts. Un réseau d’informations se crée, s’enrichit avec la lecture des quotidiens. Se crée ainsi au fil des mois de guerre, une autre conscience féminine, qui touche toutes les couches de la population. Auparavant les femmes se retrouvaient et évoquaient leur foyer, alors qu’elles se trouvent à partir de 1914, bien involontairement, projetées au sein de conflits européens, s’intéressant à l’avancée des combats, à la vie économique et professionnelle, et finalement à la dimension politique. La correspondance entretenue constitue une mise en réflexion : l’écriture, exercice solitaire, devient un moment créateur, reconstructif à laquelle la plupart se sont adonnées. Obligatoire, l’école donne pour la première fois, à cette génération, la possibilité de lire et d’écrire et de fait, des millions de lettres se sont échangées. Il ne s’agit plus d’une élite. Une population entière, signature singulière de cette époque, travaille l’écrit, l'écriture, comme rarement cela s'est fait avant comme après. Pierrette, comme tant d’autres, n’ont pu se résoudre à détruire ces lignes. Mais pour dépasser ces années douloureuses et ce qu’elles évoquent, il a fallu certainement tenir ces lettres brûlantes à distance. Et cela ne m’étonnerait pas que l’on retrouve encore beaucoup d’autres courriers. Quel beau travail autour de ce trésor de famille retrouvé !
Et merci Monsieur Reby-Fayard de nous donner un peu de votre histoire familiale, de votre temps.
En revenant sur votre titre, très imagé, « des vignes aux tranchées » il reflète une tranche de vie, comme un résumé. Mais il évoque tout autant l'attachement de ces combattants à « leur Terre », aux travaux, aux soins apportés aux plantes, à leur bétail, chevaux, qui eux-aussi ont subi la conscription, fait que j’ignorais.
Enracinés au propre comme au figuré : La terre les soignent de leur blessure, les soutient, les maintient en vie psychique. C’est le cas du père de Joannès qui ne semble ressortir de son deuil, que par son enracinement. Pierrette nous en dit quelque chose. Mais on pourrait aussi évoquer la capacité à s’émerveiller de Pierrette devant la nature, le printemps.
Enfin votre ouvrage me permet de me questionner, au-delà de la narration et de l’histoire de Pierrette.
Que reste-t-il un siècle plus tard dans la mémoire collective de cette période ?
Qu’est ce qui signe aujourd’hui cet évènement ?
Certes pour moi, l’ouvrage a transformé ma vision du monument aux morts et depuis, je me suis arrêtée plusieurs fois sur la longue liste des anonymes. Au-delà de l’effroi et des hécatombes, j’imagine aujourd’hui un environnement autour du nom inscrit. Le dernier combattant s’est éteint il y a peu. Nous n’avons plus de fils directs autour de ce conflit. Le temps passe. Les guerres ont changé de visage, mais l’inquiétude, la souffrance, la peur ont-elles évoluées ?
A quoi sert-il de se souvenir de cette guerre ?
Qu’est qui est au cœur du travail de mémoire ? Comment transmettre et à qui ?
En contemplant le grand monument funéraire en marbre de mon village, je comprends que votre ouvrage en ouvre une fenêtre vivante. Vous transformez cette liste figée, mortifère. Vous la réinscrivez dans une lignée familiale, villageoise. Ce combattant mort pour la France « ce poilu » comme on dit familièrement, vous lui redonnez une histoire et de fait, Vous nous restituez une identification possible.
Si l’on évoque Joannes, que vous commencez à décrire enfant, au travers de ses liens à son père, à sa belle-mère, de ses amitiés etc…
On apprend son engagement militaire par identification à son oncle, ce qui le différencie. On comprend mieux sa correspondance, son parcours militaire, ses amitiés …
Lorsqu’il meurt à Verdun, et qu’on retrouve son non sur le monument commémoratif, Joannes n’est plus une ligne, deux dates et un lieu. C’est quelqu’un auquel on peut s’identifier.
Vous redonnez vie à tous ces noms inscrits.
Finalement qu’est-ce que le devoir de mémoire dont on parle aujourd’hui ?
Comment s’enracine-t-il ? Par quel mécanisme, diraient les psys…
Comment mieux transmettre qu’en évoquant la vie au travers de la mort d’un poilu ?
Joannès, c’est l’expérience humaine d’un soldat aux prises avec l’Histoire. D’un fait objectif (cette guerre effroyable), la vie de Joannès la subjective.
Le devoir de mémoire serait-il un travail de filiation, mais à un échelon collectif ?
Le travail de « mémorialisation », terme à créer, serait-il cet aller et retour entre les faits appartenant à l’Histoire et le fil d’une vie qui la traverse ?
Joannès, pour un enfant de 10 ans qui est en CM2, ne constituerait-il pas ce fil d’humanité qui lui permet d’intégrer d’une manière humanisée cette période ?
Il existe des milliers de Joannès à découvrir sur les plaques de commémoration dans le village de ces mêmes enfants…
A côté de la leçon d’histoire, pourrait-on imaginer une démarche de mémoire ? Effectuer une recherche généalogique accompagnée, retrouver des témoignages, des documents, effectuer une lecture en classe d’un courrier, créer une exposition, mettre en place une véritable tranchée…ne serait-ce pas une manière moderne de traiter, en rendant actif l’enfant, cette question du souvenir ? »
Odile Desportes
Ninette, des tranchées à la résistance - De Jean Reby-Fayard
Il nous avait déjà conté l'histoire de Pierrette, sa grand-mère. Aujourd'hui, il récidive avec celle d'une autre femme, Ninette...
Après le début où tu fais revivre l'enfance et la jeunesse de Ninette qui n'ont pas été faciles j'ai beaucoup apprécié ton travail d'historien et la façon de rappeler les évènements à travers ce couple sympathique de Ninette et Marcel.
Le dernier ouvrage de Jean-Reby Fayard vient de sortir et gageons qu'il ait autant de succès que le premier « Pierrette des vignes aux tranchées ». L'auteur a atteint son but en direction de ses nombreux lecteurs : intéresser. Captiver par le sens du récit c'est pourtant une histoire trouble vécue au temps de ce qu'on appelle « la drôle de guerre » des années 40 à 45 !
Je pose le livre après l'avoir lu et Ninette me manque déjà. Cette femme attachante sous les doigts de l'auteur a su nous passionner pour cette période de l'histoire si sombre. Femme moderne, consciente de toutes les questions qui se posent dans la société dans laquelle elle vit : son statut de femme mariée souvent reléguée car c'est l'homme qui a l'autorité même si la ferme lui appartient ; mère qui est inquiète pour l'avenir de ses enfants.